L’arbitre Marcel Morin a récemment eu à se prononcer sur cette notion dans l’affaire Union des routiers, Brasseries, Liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, local 1999 c. La Brasserie Labatt Ltée.
Dans cette affaire, l’arbitre avait été désigné pour entendre et disposer de cinq (5) griefs contestant des mesures disciplinaires et un grief de harcèlement psychologique. L’audition de ce grief a pris cinq (5) jours et la décision fut rendue le 16 février 2004.
La preuve a révélé que la plaignante s’est absentée de son travail pour cause d’invalidité. Pendant toute son absence, elle a fourni des certificats médicaux et a été régulièrement suivie par son médecin traitant. La plaignante a fait un retour progressif au travail.
Aux dires de la plaignante, son retour au travail fut pénible. On ne l’écoutait pas. On lui disait qu’elle faisait des erreurs. Elle se sentait regardée, surveillée. C’est dans le cadre d’un retour progressif qu’elle a repris son travail pour se réadapter à celui-ci. La plaignante a souligné que, selon elle, le ton de sa supérieure était autoritaire. Selon l’employeur, son retour au travail fut effectivement difficile, car, selon celui-ci, la plaignante commettait des erreurs et ne respectait pas les directives émises. L’employeur a donc imposé des mesures disciplinaires à la plaignante allant du simple avis verbal jusqu’à une suspension de trois (3) jours. La plaignante a contesté par voie de grief les cinq (5) mesures disciplinaires et a également déposé un grief pour harcèlement psychologique.
Le syndicat a souligné à l’arbitre Marcel Morin que le harcèlement psychologique est une notion relativement nouvelle et que celui-ci fait référence à une conduite vexatoire et au fait de placer la victime dans un environnement stressant, hostile qui n’est pas sain, salubre. Ça se constate par une conduite, des paroles, sauf que le harcèlement psychologique peut prendre différentes formes. Selon le syndicat, la plaignante a été placée dans un état de surveillance, ce qui a alimenté son stress et augmenté son taux d’erreur. Le harcèlement psychologique, selon le syndicat, dépend également de la perception de la personne qui le reçoit. Or, la plaignante s’est sentie épiée, surveillée.
Le syndicat a souligné également que la plaignante avait plus de vingt (20) ans de service. Elle avait fait l’objet d’évaluation positive en 1992, 1993, 1996 et 1997. Ainsi elle est une excellente employée. Elle est malheureusement tombée malade. Maladie physique et mentale. Elle s’est retrouvée dans un climat hostile.
Le retour ne s’est pas fait dans une attitude aidante, mais dans un climat de confrontation. Le harcèlement s’est manifesté par le fait que la plaignante était épiée et se sentait épiée. La plupart des erreurs étaient corrigées dès le lendemain.
Dans sa décision, l’arbitre s’est référé à la définition de la Loi sur les normes du travail. Selon l’arbitre, un grief de harcèlement repose sur les épaules du syndicat quant à son fardeau de preuve. Le syndicat ne peut présumer, il doit faire la preuve de harcèlement.
Pour le tribunal, la preuve ne supportait pas la prétention de la plaignante à l’effet qu’elle a fait l’objet de harcèlement. C’est en raison du fait que la plaignante ne respectait pas les instructions que celle-ci a commis des erreurs et omissions et que celles-ci se reproduisaient.
Pour l’arbitre, s’il fallait ramener la notion de harcèlement psychologique à la conception qu’en a la plaignante, les tribunaux d’arbitrage vont être submergés de dossiers dans les prochaines années. Si le législateur a senti le besoin d’établir dans la Loi sur les normes du travail une section accordant un recours au salarié victime de harcèlement psychologique, on aurait tort, selon l’arbitre, de l’étendre à toute situation dans laquelle un employeur peut légitimement intervenir dans son droit de gérance du moment que cette intervention se fasse pour le bien-être de l’organisation ou pour amener un employé à agir correctement.
L’avenir saura nous démontrer si cette interprétation sera suivie par d’autres arbitres.