Jugement – Loi 15
Le juge Benoît Moulin, en date du 9 juillet 2020, a rendu sa décision sur les recours intentés par la FISA et d’autres organisations syndicales, visant à faire invalider (ou déclarer inconstitutionnelle) la Loi 15 (loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal). Vous pourrez télécharger le jugement en cliquant sur le lien suivant : Jugement.
À la lecture du jugement de 176 pages (excluant les annexes), nous constatons que notre recours a été partiellement accueilli.
Afin de s’y retrouver, je vous résume très sommairement l’affaire :
Les syndicats cherchaient à démontrer qu’en imposant cette loi, le gouvernement brimait leur droit d’association, plus précisément en imposant un cadre tellement rigide que toute négociation devenait pratiquement impossible.
Nous demandions donc au juge, dans un premier temps, de constater qu’il y avait une atteinte à nos droits. S’il nous donnait raison, nous avions convenu de retourner devant lui pour déterminer la façon d’annuler les impacts de la loi (ce qu’on appelle la remise en état).
Or, le juge ne partage pas notre position. Il écrit, au paragraphe 446 de son jugement :
« En somme, les demandeurs ne démontrent pas que la Loi 15 en imposant aux participants actifs au 31 décembre 2013 des modifications aux régimes de retraite en regard des déficits actuariels attribuables au service passé, en prescrivant des paramètres à la négociation du contenu de ces mêmes régimes le 1er janvier 2014 et à compter de cette date, porte atteinte, de façon substantielle, à leur droit d’association ».
De plus, il ajoute : « Et même à supposer que les atteintes constitueraient une violation, la PGQ a démontré sa justification en regard de l’article 1 de la Charte ».
Donc, pas d’atteintes à nos droits, et s’il y en avait, elles seraient justifiées.
VICTOIRE POUR LES RETRAITÉS
Cependant, tout n’est pas perdu, puisque le juge n’arrive pas à la même conclusion à l’égard des retraités, en ce qui concerne la perte de l’indexation de leurs rentes. Voici ce qu’il écrit, au paragraphe 513 et les suivants :
« Dans le cas des retraités, seuls ceux qui pendant l’exercice de leur emploi ont accepté une rente de retraite moins élevée au départ, mais assortie d’une forme d’indexation automatique participent au déficit de leur régime de retraite.
Il y a toutefois une distinction importante entre l’abolition de l’indexation automatique pour un participant actif et la suspension de la même indexation pour un retraité. Dans le premier cas, des expectatives sont affectées; dans le second, des droits acquis sont suspendus.
Comme mentionné précédemment, les effets de cette abolition sur les participants actifs peuvent faire l’objet de négociation avec l’employeur et peuvent se résorber. Ce n’est pas le cas des retraités. En réalité, ces derniers n’ont pas voix au chapitre ».
Selon le juge, même si la loi parle de suspension de l’indexation, cette mesure est loin d’être temporaire. Les conditions pour rétablir l’indexation sont complexes et tellement étendues dans le temps, que cela fait dire au juge Moulin : « Autrement dit, ce qui était un droit acquis est ramené au rang d’une possibilité ».
Il poursuit, au paragraphe 522 :
« En somme, à l’égard des retraités, la Loi 15 autorise une partie à modifier seule des stipulations prévues dans des conventions collectives ou autres ententes qui s’appliquaient à eux alors qu’ils occupaient leur emploi. Ce faisant, la Loi 15 porte atteinte à leurs droits au processus de négociation collective.
Cette atteinte, contrairement à ce que déterminé dans le cas des participants actifs, constitue une entrave substantielle à la liberté d’association ».
Le juge Moulin demeure donc saisi du dossier pour statuer sur les demandes en réparation en faveur des retraités.
Cette victoire est donc très importante pour les retraités.
Quant à la portion du jugement concernant les participants actifs qui n’ont pas eu gain de cause, nous disposons d’un délai de 30 jours afin de décider de porter la décision en appel. Nos procureurs sont en train d’analyser la question, en relevant les endroits où le juge aurait pu commettre des erreurs de droit. Des échanges devront également avoir lieu avec les procureurs des autres centrales syndicales, qui ont collaboré ensemble tout au long du procès. Nous tiendrons compte du fruit de leur analyse et de leurs recommandations afin de déterminer la position de la FISA pour la suite du dossier.
D’ici là, bonne lecture, et je vous souhaite ainsi qu’à vos membres, de bonnes vacances estivales.
Bernard Brochu, CRIA
Directeur des relations du travail et de l’administration